dimanche 23 août 2009

Etrangers dans la nuit

4.00 heure locale, une musique aux sonorités étrangement modernes s'extirpe avec forces grincements de la caisse d'une guitare Yamaha, sous le plectre hésitant d'un musicien de rue. Une grappe de touristes en uniforme d'été. Soleil mordant. Pas de répit pour les glandes de sudation. Ni pour le combo sandales chaussettes des apprentis mélomanes. Un peu en retrait, le regard noble et hautain (avec juste ce qu'il faut de condescendance), le port altier, un vieux sage, un bel éphèbe, une vestale.

- Mon fils, dit l'ancien - le regard encore pétillant derrière ses fines lunettes - voici un des plus beau morceaux de la musique traditionnelle du grand siècle français: Étrangers dans la nuit.
- Qu'est ce que ça peut être joli la guitare, lorsque c'est bien joué, répondit le fringant jeune homme. Y'a pas à dire, la musique traditionnelle française, c'est quand même ce qu'on a inventé de mieux depuis le roquefort et la poutine. Et puis on sent que la musique américaine s'en est quand même grave inspirée!
- Évidemment ducon, c'est Strangers in the night...

OK... Papa 1, Henri 0

C'est par ce dialogue représentatif de l'esprit du séjour, et au son de cette musique représentative de l'esprit de la ville que Philippe, Henri et Laure, O'Quin de leur patronyme, inaugurent leur arrivée à Québec (après quelques jours passés en cette bonne ville de Montréal), après un trajet de 3h sur une route désesperement droite. A noter, une timide tentative de la part du paternel pour respecter les limitations de vitesse, vite oubliée du fait des très frustrants dépassements par les énormes trucks à l'américaine (les Québecois partageant avec leurs "cousins" Français une facheuse tendance à considérer les limitations de vitesse comme des suggestions interessantes que l'on pourrait envisager de respecter si l'on avait le temps).
Fourbus du voyage, nous nous installons dans un hotel "concept" (un hotel normal, mais avec du mobilier carré et une musique de fonds sous marins dans les couloirs). Laure nous déride alors en nous offrant un grand spectacle d'humour, en essayant dans un premier temps d'ouvrir la serrure à carte avec la mini clef du mini bar, puis, sans se décourager, brandir la même clef quelques minutes plus tard en s'écriant qu'elle avait trouvé la clef wifi...
Bref, trêve de mesquineries, revenons à Québec, la ville capitale!

Une belle ville Québec, y'a pas à dire. Un genre de Saint Malo, mais de l'autre côté de l'Atlantique! (D'ailleurs, un grand nombre de lieux dit de la région portent des noms bretons, témoignant de l'ascendance bretonne ou basque des marins et de la soldatesque qui jadis formèrent le cœur de la population de la ville) . Saviez vous que c'était la seule ville fortifiée d'Amérique du Nord? Et puis pas des fortifications de fif, mais de bonnes grosses murailles à la Vauban, comme on en fait à la maison! Et pour couronner le tout, une citadelle bourrée de canons jusqu'aux ratiches. Mais une citadelle, pour quoi faire, madame la guide?
Et bien pour bousiller du Français, bien sûr! En effet, après la bataille des plaines d'Abraham, qui se déroulât aux portes de Québec et vit la défaite des armées de Louis XV le [pas doué] bien aimé, les vilains britanniques, moins pingres que leurs ennemis mangeurs de grenouilles, décidèrent de mettre un paquet de flouze pour défendre le Mont Diamant (qui tire son nom de ce benêt de Jacques Cartier qui voulut fayoter en ramenant au Roi un plein bateau de "diamants", qui se révélèrent n'être que de vulgaires cailloux brillants, d'où l'expression "faux comme diamant du Canada") et construire une considérable citadelle pour se prémunir d'éventuelles tentatives de reconquête. Tentatives d'ailleurs fort hypothétiques, Louis XV n'étant que trop contente d'abandonner le Canada Français, préférant utiliser nos maigres impôts pour acheter des robes à froufrou à la dauphine et développer Saint Domingue (aujourd'hui Haiti), ex- plus prospère de nos isles à sucre et futur pays le plus pauvre du monde (ça, c'est mon Papa qui me l'a dit!).
Bref, en 1763, après le Traité de Paris, la Nouvelle France avait vécu. Fuyant l'occupation britannique, les nobles, bourgeois et riches commerçants reprirent le chemin de la métropole, abandonnant la vaste majorité aux griffes des grands bretons (j'exagèrent, ils se sont plutôt pas trop mal comportés, en leur permettant assez rapidement, certes devant le poids du nombre et à la suite de rebellions populaires, de conserver leur langue, leur religion et leur culture). Aujourd'hui encore, le Québec garde cette impression amère d'avoir été trahi par ses élites et par sa métropole, qui l'abandonna à son sort et s'en désintéressa sans même l'esquisse d'un regret. De ce fait, tout Français ayant une once d'orgueil national ne peut pas s'empêcher d'éprouver la morsure de la culpabilité à la vue de la devise "Je me souviens" qui orne toutes les plaques d'immatriculation de la belle province.

Ca, c'était le moment histoire.

3 commentaires:

  1. tu pourrais nous mettre qqs photos pour nous permettre de nous "instructionner" nous aussi.
    Bisous et bonne rentrée

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  2. J'y pense, j'y pense...
    J'ai pas mal de photos dans la petite boite, me reste juste à retrouver mon cable de transfert!

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  3. Aaah! L'histoire de Quebec par le Henri, c'est mieux que l'histoire pour les nuls... Gai, vivant, imagé, j'ai tout compris!!!
    SGQ

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