vendredi 11 septembre 2009

Un vélo dans la ville

C'était l'automne. Un automne ou il faisait beau. Une saison qui n'existe que dans le nord de l'Amérique. Là bas, on l'appelle l'été Indien. Je marchais dans une rue, un peu comme celle ci d'ailleurs. Les parfums faisaient frissoner ma narine, le soleil réchauffait ma poitrine. Et je me souviens, je me souviens très bien de ce que je me suis dit ce matin là...

Qu'il serait, convenez en, fort regrettable d'abandonner chaque matin, après dix minutes de marche rapide et virile, une si poétique impression aux portes du métro montréalais, avec sa moite odeur de renfermé et un temps d'attente souvent horripilant (toutes les 7/10 minutes environ).
Répugné par ce contact quotidien avec la plèbe, je cédais donc aux sirènes de l'individualisme et décidais d'investir dans un vélo. Le mollet frémissant, me voilà donc parti pour "SOS vélo" (une association qui retape des vieux vélos pour refiler les bénéfices à des nécessiteux <== bisounours), pour en ressortir vingt minutes plus tard juché sur un vieux biclou des années 70 sur lequel j'avais flashé. Vitesses sur le cadre, potence retournée, roues au diamètre sous dimensionné: le coeur a ses raisons que la sécurité ignore, et les premiers trajets sont de vrais exercices d'équilibrisme! Ma monture vacille à chaque battement de paupière, et me décoche une ruade dès que je lui caresse l'encolure pour changer les vitesses (quoi, pourquoi est ce que le vocabulaire beauf serait réservé à la bagnole?).
Mais il suffit au cycliste d'engager une roue dans une rue carossable pour comprendre qu'il n'a encore rien vu, bien que sa brève expérience de piéton lui ait permis de comprendre un peu mieux le cerveau malade de l'automobiliste montréalais (une quille dans un jeu de bowling doit ressentir a peu près les mêmes émotions qu'un pièton sur un passage, a part que les boules de bowling n'accélèrent pas quand elles sentent qu'elles vont manquer leur cible). Pas étonnant qu'ici, les voitures s'appellent des "chars". Le concept de la voiture automatique a ici été parfaitement intégré. Un point de départ, un point d'arrivée: le conducteur peut enfin se concentrer sur son accelerateur. L'esprit occupé par sa conversation téléphonique et la vue obscurcie par la fumée de cigarette qui envahit sa tourelle de tir, il semble que le conducteur montréalais soit indifférent a tout obstacle de moins d'1 mètre de diamètre qui oserait s'interposer sur sa belle ligne droite et briser l'immuable fixité de son compteur de vitesse bloqué sur la ligne des cinquante. A moins d'entamer une cure d'obésité pour espérer être remarqué, le cycliste est en danger, du moins lorsque ses talents d'esquive sont moins développés que l'aveugle confiance de l'automobiliste dans son système de frein. De plus, ce dernier ne dérogerait pour rien au monde à cette coutume internationalement partagée de l'automobiliste beauf: celle de transformer chaque passage piéton en espace de test de son propre embrayage, en grignotant centimètre par centimètre l'espace qui le sépare du feu ayant eu l'impudence de se présenter sur son chemin, et ce avec forces rugissements de moteur et en feignant d'ignorer piétons et cyclistes qui se situeraient entre son pare buffle et la ligne d'arrêt. Lorsque qu'il a broyé suffisamment de bêtes non motorisées pour grimper d'un niveau dans l'échelle de la plouquerie, le beauf est alors souvent capable de compter au millième de secondes près le temps qui sépare le rouge du vert, pour pouvoir faire bondir son tank au plus léger pâlissement de l'écarlate, emportant avec lui les quelques imprudents qui ne se seraient pas résignés à passer toute leur vie d'un seul côté de la rue.
Parfois, les débris humains des cyclistes novices trouveront dans la vulgarité et les signes obscènes une maigre consolation. Mais (a l'instar d'ailleurs de leurs équivalents belges), les automobilistes québecois développent systématiquement une étrange réaction face à l'insulte du cycliste qu'il vient d'envoyer dans le caniveau parce qu'il "ne l'a pas vu", à savoir un sourire béât, bonhomme et presque bienveillant. A croire qu'un doigt d'honneur est la marque de déférence la plus élevée qui existe dans cette ville.

Vous aurez certainement reconnus dans les quelques lignes qui précèdent mon gout exagéré pour la mythomanie et l'exagération. Malgré mes espoirs déçus quand à la sagesse de la circulation en Amérique du Nord, je suis très content de mon vélo, après un temps de prise en main un peu difficile! Je me suis même arrangé avec le vendeur pour qu'il m'installe des pneus cloutés (et oui, ça aussi, ça n'existe que dans le nord de l'amérique!) dès les premiers frimas!

1 commentaire:

  1. Et mon fils, tu vois que la beaufitude est mondiale, j'ai encore pu le constater hier en rentrant de Senlis après ce très sympatique pique nique familiale: une fois les flash français évités et la frontière passée le belge et le néerlandais fait vrombir sa mercedes et son 4x4 avec pare-buffle et phares shogun bleutés pour t'arriver dans l'arriere train à 180 km/h...pousse toi de là que je m'y mette! Dans ces cas là je rêve d'avoir des sabots de cheval montée sur les pare chocs..Fais attention tout de même et mets un casque!!!

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